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Bliss Stage, un jeu de rôles de Ben Lehman, chez La boîte à Heuhh pour la VF

Par Andy

Cet article contient aussi des morceaux d’Apocalypse World de Vincent Baker, pour une sombre histoire de Jules César et de trucs à lui rendre, tout ça…

Présentation

Côté format, on est toujours dans ce presque A5 assez sympa à manipuler. L’illustration de couverture donne le ton, elle fait le job, sans plus, celles d’intérieur sont anecdotiques. La présentation est claire, en une seule colonne, suffisamment aérée. La lecture est facile.

Difficile de s’étendre sur l’univers, puisque c’est en grande partie les joueurs qui vont le définir ensemble au fil des parties. Bien entendu, le MJ aura quand même un petit boulot pour poser les bases du canon esthétique des histoires dans lesquelles il fera tremper les PJ, mais il n’est pas utile d’en faire des caisses côté préparation. Le bouquin de règles insiste vraiment sur la création de la mythologie” du groupe de joueurs au fur et à mesure des histoires que les PJs vivront.

Couverture Monster of the Week

C’est un truc que Monster of the Week partage vraiment avec Apocalypse World : ce n’est pas tant les détails précis sur l’univers du jeu qui importent, mais l’ambiance des aventures des PJs. Encore que, Sur ce point, Monster of the Week est moins avare en exemples qu’Apocalypse World, je trouve. L’idée des deux jeux est cependant d’être malléables sur la forme que prendra l’univers pour s’adapter à tous les groupes de joueurs. Et ça, j’aime assez, en fait !

Revenons-en à la structure du bouquin - sauf mention contraire, je parle généralement de Monster of the Week, dans ce compte-rendu, hein ! On commence par une petite définition de ce qu’est Monster of the Week. Rien sur l’activité jeu de rôles” en elle-même. Simplement une présentation succincte de ce que le lecteur trouvera dans le livre, et des conseils sur l’ordre de lecture préférentiel des parties en fonction de votre vécu de joueur et de votre place dans le système : MJ ou PJ. Je ne me sens pas perdu dans le concept de JdR, mais je suis persuadé qu’un bon livret de règles doit commencer par expliquer le plus précisément possible en quoi consiste cette activité particulière. Le livre de base d’Apocalypse World contient un paragraphe pour résumer rapidement en quoi consiste une partie de JdR, lui.

Un livret de personnage génial !

On enchaîne ensuite avec ce qui concerne les Chasseurs, autre nom des PJs. Comme dans Apocalypse World, Monster of the Week présente d’entrée de jeu, ou presque, les différents archétypes de personnages jouables - un seul de chaque type à la table - sous la forme de livrets A4 pliables en trois volets qui contiennent tout ce que le joueur doit faire pour créer son personnages et toutes les règles spéciales correspondant à son type de Chasseur. C’est une chose brillante, que je trouve étonnante de lucidité : les joueurs sont complètement autonomes sur la création de personnage ! Et, en jeu, pas besoin de retours incessants dans le livre de règle : la fiche du PJ présente toutes les informations nécessaires ! Élu, Vaurien, Divin, Expert, Parano, Initié, Monstre, Ordinaire, Professionnel, Magicien, Épouvantail, et Vengeur sont les archétypes proposés, et tous sont très différents les uns des autres.

Illustration Monster of the Week

À ce stade, les personnages viennent juste d’être créés. Arrive alors un court chapitre de 31 pages sur le cœur des règles. Tout y est présenté de manière à pouvoir se mettre à jouer très rapidement. Notez que c’est dans cette partie, à la page 100, qu’on trouve enfin une explication de ce à quoi ressemblera la partie ! Il est donc grand temps de nous intéresser à ces mécaniques qui permettront de lever l’incertitude sur l’issue d’une action entreprise par l’un des personnages.

Les PJs sont définis, entre autres, par 5 caractéristiques dont le score va de -1 (mauvais) à +3 (excellent) : Cool, Coriace, Charme, Futé et Bizarre. Ces scores seront ajoutés à un lancer de dés lors de la résolution d’une manœuvre”. Une manœuvre est utilisée lorsqu’un Chasseur entreprend une action qui n’est pas à la portée de gens normaux, qui est dangereuse ou qui est palpitante et pour laquelle l’issue est incertaine. Dans le reste des cas, pas besoin de s’en remettre au hasard !

Les manœuvres

Tout tourne donc autour de ces manœuvres - les moves”, dans la VO d’Apocalypse World. Les PJ disposent d’un certain nombre de manœuvres de base, que tous peuvent tenter, et de quelques manœuvres spécifiques à leur classe de personnage. Le MJ a les siennes qui sont différentes. Seuls les PJs lancent les dés, les manœuvres de MJ ne nécessitent pas de lancers, c’est une autre particularité à noter par rapport aux JdR traditionnels des années 90. Il n’y a pas non plus de liste de compétences à rallonge comme dans le système Chaosium ou le Storytelling System. Non, quelques manœuvres vraiment propres à chaque type de Chasseur, et c’est marre ! C’est déjà très rafraîchissant, pour moi !

Illustration Monster of the Week

La résolution est la suivante : on lance deux dés à 6 faces plus une caractéristique - stipulée dans la description de la manœuvre - et on obtient un score. Sur un 10+, c’est une réussite franche. Sur un 7-9, une réussite, mais avec contrepartie. Sur un 6-, c’est au MJ de jouer une de ses manœuvres et il doit y aller franchement ! C’est exactement la même chose dans Apocalypse World, à ceci près qu’un 6- est clairement un échec, et n’enclenche pas forcément de move du MJ.

Ce type de système de résolution permet vraiment au MJ - ici, on l’appelle Gardien, en référence à L’appel de Cthulhu, mais on s’en fout, non ? - d’ajouter des rebondissements dans la narration, je trouve. Et c’est putainement simple à retenir, aussi, cette échelle de réussite ! Il n’y a pas grand chose à ajouter tellement c’est limpide ! Bien évidemment, les deux bouquins détaillent en deuxième partie d’ouvrage le fonctionnement de chaque manœuvre de base, mais l’essentiel tient en ce 10 ou plus/7 à 9/6 ou moins !

La gestion des dégâts est simple, elle aussi : en combat, ils sont simultanés. On les calcule en retranchant la valeur d’armure du nombre de points de dégâts occasionnés par l’arme utilisée - modulo quelques règles sur les réussites en casser la gueule” et certains mots-clefs sur les armes. Les points restants représentent le nombre de cases à cocher dans la barre de PV. Un humain a 7 PV, un monstre peut aller jusqu’à 15. Au huitième point de dégât encaissé, un humain est mort. Simple, non ?

La magie fait partie des manœuvres de base, ce qui signifie que tout le monde peut la pratiquer. Si les effets sont trop importants, il faudra cependant recourir à une magie dite souveraine” qui se pratique sous forme de rituels longs, qui demandent des assistants et des composants spécifiques. Mais ses effets sont vraiment beaucoup plus spectaculaires ! Il n’y a aucune limite à ce que la magie peut faire, si ce n’est celle que se fixera le groupe de joueurs.

L’expérience et l’avancement du personnage, enfin, vient en ratant ses jets de dés, lors de l’utilisation de certaines manœuvres et en fin de partie, si le PJS ont réalisé certaines conditions comme résoudre le mystère” ou sauver un innocent”… Au bout de 5 points, on gagne une amélioration - gain de caractéristique, nouvelle manœuvre, matériel… Après un certain nombre d’améliorations - 5, je crois -, on peut même prendre des améliorations avancées parmi lesquelles des nouvelles réussites sur les manœuvres de base, le 12+ ! Rien de bien compliqué, mais ça suffit, je pense ! Et c’est très clair, cadré, moins sujet à l’interprétation du MJ qu’auparavant…

Tips pour le MJ

On trouve ensuite, dans Monster of the Week, tout un tas de conseils et méthodes pour le MJ : ses manœuvres, et surtout, comment créer des mystères - des préparations de parties - et des arcs - l’équivalent des fronts dans Apocalypse World, une sorte de fil conducteur de menaces qui courent sur une série de parties. On ne parle pas de scénarios” dans Apocalypse World ou Monster of the Week - la notion de scénario sous-entend que tous les éléments sont décidés par le MJ à l’avance -, mais plutôt une mise en place de situation avec une accroche par laquelle les Chasseurs seront mis au courant d’une situation, et différentes menaces qui sont le monstre - la star du show de la semaine -, ses sbires, des figurants qui passent par là, et des lieux. Tous ces éléments seront des occasions pour le MJ de mettre les PJs à l’épreuve et de les faire briller ! À cela s’ajoute un Compte à Rebours des événements qui représente l’évolution, en 6 temps des événements si les PJs n’interviennent pas dans l’histoire. Charge à eux de d’éliminer le monstre avant la fin de ses manigances !

Illustration Monster of the Week

Parce que le vrai but du MJ est d’être fan des Chasseurs, de jouer pour voir ce qui va se passer”. Clairement, on incite la tablée à improviser beaucoup plus que dans les JdR traditionnels que je pratiquais. C’est une bonne chose : ça évitera peut-être d’avoir à arrêter sa partie dans la première demi-heure parce que TOUS les PJs ont séparément, sans concertation, décidé d’aller zigouiller Bruno, le PNJ-clé de l’histoire !!! Et cela remet aussi du jeu”, de la découverte, de la surprise dans le rôle du MJ. Il n’est pas le lecteur du scénario, il va vivre l’histoire au même titre que les autres joueurs.

Ma conclusion

Il me semble avoir fait le tour de ce que propose Monster of the Week en termes de mécaniques et d’approche du JdR. Le jeu me plaît. Sa rédaction est claire, et les règles ne me semblent pas du tout compliquées à appréhender. J’ai quelques doutes sur l’organisation du déroulé des règles, mais cela reste agréable et pas trop déroutant à la lecture. On peut, bien entendu, questionner la mention de ce qu’est une partie de JdR au bout de cent pages de manuel, mais même sans savoir réellement ce qu’est un jeu de rôles, les explications fournies doivent permettre de jouer plus ou moins rapidement, je pense.

Ceci dit, heureusement que j’ai commencé par Monster of the Week plutôt que par Apocalypse World, parce que je n’aurais sans doute jamais tenté une deuxième approche du système Apocalypse si j’avais commencé par le jeu de Vincent Baker ! Le style d’Apocalypse World est agressif, sans doute pour coller à l’idée du monde post-apocalyptique, et dessert, selon moi, la compréhension des mécaniques. Le texte est très redondant : des parties entières de règles sont copiées-collées plusieurs fois en différents endroits du manuel. Certaines exemples sont assez mal foutus, certaines explications trop sommaires, certains intitulés de manœuvres assez peu clairs…

Au final, la lecture d’Apocalypse World, qui insiste énormément sur les manœuvres , et qui donc, encadre pratiquement toutes les situations possibles en jeu, me donne l’idée d’un jeu très mécanique, une sorte de ping-pong de manœuvres entre joueurs et MJ. Et je dois avouer que je ressors de ces heures de lecture sans savoir comment se déroule une partie entière du jeu. J’ai lu des tonnes d’exemples, de pistes pour mettre les joueurs dans la panade, de recommandations sur le style à adopter, mais je me sens seul devant ces qu’il faut finalement mettre en place pour faire jouer les PJs. Bref, ce n’est pas une lecture agréable, au final.

Illsutration Apocalypse World

Autant les livrets et leurs manœuvres spécifiques sont d’excellentes idées, tout comme les systèmes de relations asymétriques entre les PJs et son imbrication avec la prise d’expérience, ou la simplicité de la résolution des manœuvres, autant l’organisation des règles d’Apocalypse World avec des notions parfois simplement évoquées mais expliquées en détail plus de cent pages après, et leur rédaction foisonnante d’exemples et très répétitive me refroidissent carrément. Sans parler qu’encore une fois, les relations sexuelles ont leur part dans les mécaniques du jeu, et que cela ne fait pas partie des choses qui me branchent de jouer.

Ah ! Une dernière petite chose… Une règle me paraît complètement contre-intuitive dans le système d’Apocalypse World : la manœuvre Subir des dégâts”… Quand un PJ subit des dégâts, il lance deux dés+ dégâts subis pour savoir s’il ne va pas lui arriver un truc en plus. Il peut lâcher son arme, s’évanouir, tomber… Pas con, hein ? À force de vouloir TOUT encadrer par une règle, on en arrive à oublier que le MJ fera ce genre de choses de temps en temps de lui-même, mais surtout on en arrive à pondre la seule manœuvre qui marche à l’envers ! TOUTES les manœuvres fonctionnent avec un 10+, c’est bien, 6-, c’est pas bien. Eh ben non ! TOUTES SAUF UNE ! Là, le PJ qui obtient un 10+ réussit” son Subir les dégâts”. Vous pensez que c’est bon pour lui ? Ben non, là, réussir son jet, c’est manger une grosse complication. Pour être peinard, le PJ doit rater son jet de Subir les dégâts”… Moi, ce genre de détail, ça me défrise !

Monster of the Week, par contre, s’il n’évite pas complètement l’écueil de la répétition de certains points de règles, est beaucoup plus didactique dans la préparation des séances, des mystères et des arcs qui jalonneront la vie des Chasseurs. L’auteur nous prend par la main et nous guide parfaitement. En outre, il comporte moins de variantes de règles : pas de règles pour gérer les dégâts aux véhicules, au gangs, aux gens dans les véhicules, aux gens dans leur gang… Franchement, ça fait moins usine à gaz, à la lecture.

Parce que, oui, je suis d’accord, on parle ici de compte-rendu de lecture ! Je me base sur ce que je ressens et comprends du manuel, pas sur le vécu d’une partie. Parce que je suis certain que la mise en pratique de ces règles, surtout celles d’Apocalypse World, est moins traumatisante qu’il n’en a l’air !!!

Photo Série X-Files

Vous l’aurez donc compris, je dis un grand oui !” à l’idée des manœuvres, à leur système de résolution qui nuance les réussites et aux livrets de personnages très complets, et ce pour les deux jeux. Mais je ne jouerai probablement qu’à Monster of the Week qui me semble plus convenir à ma façon de jouer, qui est plus épuré dans les règles et plus clair dans ce qu’on est sensé jouer ! Mulder et Scully, bordel ! D’ailleurs, une variante de la magie est proposée pour jouer dans des univers où tout le monde ne peut pas pratiquer la magie… Aux frontières du réel, nous y voilà !

A lire ensuite New Frontiers Polaris de Ben Lehman
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