Par Andy
Polaris est un jeu de rôles de l’assez génial Ben Lehman qui propose à quatre joueurs - nombre optimal et fortement conseillé - de raconter les aventures de Chevaliers des Étoiles. Pour vous plonger aussitôt dans l’ambiance et le propos du jeu, rien de tel de de lire le sous-titre du jeu qui est “Tragédie Chevaleresque au Septentrion”. Là. On y est en plein ! Parce que, oui, l’espoir est bien évidemment absent de ces histoires qui tiennent pour acquis dès le départ que la fin ne sera pas heureuse. Et la mort ne sera définitivement pas l’option la moins enviable !
Je ne résiste pas à reproduire ici les paroles - trouvées sur le site du Lapin Marteau - de Ben Lehman à propos du développement de son jeu. Il nous y livre rien de moins que son propos, son intention.
“[…] il y a eu un soir où nous sommes restés très tard avec Emily Care Boss à parler de nos jeux en cours de développement (Breaking The Ice pour elle, Polaris pour moi) et où j’évoquais ces soucis. Elle me demanda alors « Qu’est ce que tu veux que les gens fassent dans ton jeu ? »
J’ai dit : « Je veux qu’ils transigent avec des démons pour obtenir ce qu’ils veulent ».
Elle m’a répondu : « Alors pourquoi tu ne leur fais pas juste faire ça ? »”
Voilà. Tout est dit. Next !
Une dernière chose avant de commencer : la plupart des phrases clés et descriptions que j’utilise sont des traductions personnelles de la VO, n’ayant pas encore mis la main sur un exemplaire de la VF. Il se peut que la traduction officielle soit différente…
Il y a bien longtemps, les gens mouraient à l’extrémité du monde…
Alors, oui, c’est vrai, mais avant cela, l’ordre, le calme, la beauté, la perfection régnaient sur Polaris la grande. Cette cité faite de glace et de la lumière des étoiles surplombait le monde tirait son nom de son étoile gardienne qui, elle, dominait le firmament. C’était un âge enchanté, une longue nuit où les étoiles jetaient leur lueur sur toute chose. Et dans cette lumière, les gens dansaient, heureux et souriants, parce que les étoiles étaient belles. Ils ne mesuraient pas encore le temps, pas plus qu’ils ne connaissaient la peur.
Un roi dirigeait cette ville. Le plus parfait des rois. Il était son peuple, sa justice, ses lois, la source de leur amour. Ses sujets l’appelaient tout naturellement Polaris. Ce roi avait une reine. La plus parfaite des reines. Elle était la dévotion même. Son rire, rare, mais sonnant comme la lueur bleue des étoiles, ses yeux et son sourire lui valaient l’amour de tous, mais surtout de son roi. On l’appelait la Reine de Polaris, Dame de la Glace et des Étoiles, Demoiselle de la Haute Cité. Et, pour protéger sa reine, son trésor, le roi lui avait donné des soldats. ses Chevaliers. Chacun d’entre eux aurait pris part à des centaines de guerres et en serait revenu vivant. Et chacun d’entre eux serait mort pour pour l’un de ses sourires.
Un roi dirigeait cette ville. Le plus parfait des rois. Il était son peuple, sa justice, ses lois, la source de leur amour. Ses sujets l’appelaient tout naturellement Polaris. Ce roi avait une reine. La plus parfaite des reines. Elle était la dévotion même. Son rire, rare, mais sonnant comme la lueur bleue des étoiles, ses yeux et son sourire lui valaient l’amour de tous, mais surtout de son roi. On l’appelait la Reine de Polaris, Dame de la Glace et des Étoiles, Demoiselle de la Haute Cité. Et, pour protéger sa reine, son trésor, le roi lui avait donné des soldats. ses Chevaliers. Chacun d’entre eux aurait pris part à des centaines de guerres et en serait revenu vivant. Et chacun d’entre eux serait mort pour pour l’un de ses sourires.
Et c’est ainsi que la vie se déroulait, dans une quiétude parfaite. Cette nuit aurait-elle pu être éternelle ? Nul ne le saura jamais. Les artistes furent les premiers à apercevoir les changements, ces teintes rouges, jaunes aux limites du ciel. On parla d’abord de de cette forme particulière de folie qui embrase l’âme des artistes. Mais cette folie s’étendit, et de plus en plus de gens virent ces couleurs dans le ciel, estompant les étoiles. Le roi Polaris la vit à son tour et s’y absorba. Comme toute nouveauté, on trouva le phénomène beau. On lui donna un nom : l’Aube. Le roi demanda à ses savants de lui construire un calendrier pour prédire le retour de l’Aube.
Les grognements, les cliquetis et la fumée noire que produisait la machine furent les première choses au monde qui n’étaient pas belles. Mais le roi attendait impatiemment les Aubes et arrêtait ses danses pour rester assis à contempler cette étoile lourde étouffer le ciel de ses couleurs criardes. Chaque Aube durait plus longtemps que la précédente. Les musiciens qui avaient regardé ces Aubes n’en tiraient plus qu’un long cri hideux, mais plus personne ne l’entendait à la cour.
La Reine, cependant, et ses gardes, n’étaient pas tombés en pâmoison devant cette Aube. Ils tinrent des réunions secrètes pour discuter des hurlements poussés par les musiciens, de la fonte qui rongeait les parties les plus externes de la cité, et de la transe qui s’emparait de la cour royale.Ils déclamèrent alors d’anciens serments, ils jurèrent sur la plus haute étoile de stopper l’influence décadente de l’Aube. Ils prirent l’épée comme symbole. Ainsi advinrent les Chevaliers de l’Ordre des Étoiles. Ils étaient décidés à lutter contre l’Erreur.
Personne ne sait réellement quand et comment l’Erreur est apparue. Certains disent qu’elle a toujours été là, et que la longue nuit d’avant l’Aube n’est qu’un mythe pour les enfants, d’autres qu’elle n’est pas vraiment là, qu’elle n’est qu’une illusion créée par le soleil d’été. Personne ne connaît la vérité, mais tout le monde sait qu’avant l’Erreur, la ville était parfaite, le ciel noir, et que les gens n’avaient pas peur. Et que, désormais, la cité n’est plus que ruines fumantes, que le ciel est illuminé par un soleil brillant et hanté par une lune fantomatique, et que les gens ont appris ce qu’est l’horreur et des dizaines de milliers d’autres ravages du temps.
On a parlé d’adultère et de blasphème. De sabotage et de sacrifice. De choses qui n’auraient pas dues être construites et de pouvoirs qu’il vaut mieux ne pas connaître. De lâcheté et de pactes contre-nature. Ainsi vont les choses. D’autres disent que la transformation de l’aube mystérieuse en ce soleil terrible est un processus naturel, et que la tragique violence des temps n’est qu’une réaction ignorante à des phénomènes inconnus. Mais, en définitive, cela n’a pas d’importance. Le monde est ce qu’il est. L’Erreur fut commise. Les Démons vivent maintenant au centre du monde.
Exactement entre les quatre vestiges, anciens quartiers les plus bas de ce que fut jadis Polaris, l’Erreur oblitère le ciel de ses bouillonnements de fumées et de vapeurs. La plupart des gens n’attachent pas vraiment d’importance à la signification de l’Erreur. Pour les Chevaliers, celle-ci revêt une tout autre importance. Symbole de leur plus grand péché, de leur échec cuisant, de la justesse de leur cause, c’est elle qui les emmène en croisade contre les démons qu’elle vomit. Les Égarés sont des créatures démoniaques perverties par la contamination qui règne au cœur de l’Erreur. Ils jaillissent des brumes qui s’échappent de l’Erreur, chacun pétri d’une démence cauchemardesque, chacun unique dans son horreur, dévorant et détruisant tout sur leur passage.
Mais tout n’est pas perdu, car certains entendent toujours le chant des étoiles.
L’Ordre des Chevaliers Stellaires se tient entre les vestiges, leurs habitants et les démons qui ne rêvent que de les dévorer. Et, sous le soleil brûlant et le ciel azur, vous êtes entrés dans la bataille. Votre épée chante l’hiver et la lueur des étoiles. Il y en a d’autres comme vous, d’autres chevaliers, car le combat est grand et tous n’en sortent pas indemnes. Certains succombent, morts sur le champ de bataille ou le cœur rongé par la traîtrise.
Un été viendra, où cette bataille ne fera plus rage, où les Égarés déferleront sans peur au travers la glace fondante, quand le soleil ardent n’enchantera plus personne et qu’il n’y aura plus de chevaliers prêts à combattre. Mais ce temps n’est pas encore venu, car votre épée est affûtée et votre courage au plus haut. Vous avez juré de combattre le soleil, et le peuple a encore un champion…
Ainsi en est-il.
Polaris est un jeu pour quatre joueurs qui incarneront tour à tour leur propre chevalier. Les autres joueurs, selon un schéma spatial prédéfini, joueront alors les rôles de l’Égaré qui contrôle les antagonistes et l’environnement de l’histoire. il est situé en face du Cœur, le joueur qui joue le chevalier, un protagoniste, celui dont l’histoire est racontée. La Nouvelle Lune guide les aspects personnels et interpersonnels de l’histoire, notamment les personnages secondaires qui ont une interaction émotionnelle avec le protagoniste. La Nouvelle Lune est le joueur situé à la gauche du Cœur, elle guide aussi les personnages féminins non mentionnés sur la fiche de personnage.. Enfin, la Pleine Lune guide le côté social et hiérarchique de la narration, notamment les personnages secondaires qui ont des relations hiérarchiques ou sociales avec le protagoniste. La Pleine Lune est le joueur qui se trouve à la droite du Cœur, elle gère également les personnages masculins qui ne sont pas notés dans le cosmos de la fiche de personnage.
Lors des situations conflictuelles qui ne manqueront pas d’apparaître, seuls le Cœur et l’Égaré peuvent utiliser les phrases de résolution. Les deux Lunes servent alors de force de proposition et d’arbitres. Un personnage est défini par un score de Glace, de Lumière, et un score de Zèle qui se transformera au bout d’un moment en Lassitude.
La lumière mesure la force intérieure et le talent du chevalier. Une valeur élevée en Lumière mettra en évidence la capacité du chevalier à combattre en ne comptant que sur lui-même et son équipement. La Glace détermine la force des relations du chevalier au monde et à la société à laquelle il appartient. Un haut score lui permettra de s’opposer aux démons efficacement lorsqu’il défendra la société et les gens auxquels il tient. Le Zèle est le sens du devoir, et la connexion avec les étoiles, l’envie de sauver le peuple. Le Zèle ne fait que diminuer. Lorsqu’il tombe à zéro, le Zèle devient Lassitude. Celle-ci définit le désespoir et la frustration devant l’impossibilité d’un combat inégal. Contrairement au Zèle, la Lassitude ne fait qu’augmenter. Un chevalier avec une valeur de Zèle positive est appelé un Novice, dès qu’il a un score positif en Lassitude, c’est un Vétéran.
Le personnage est également dessiné par ses aspects qui recouvrent quatre grand axes : les Charges, la Destinée, les Bénédictions et les Aptitudes. Tous les chevaliers débutent avec la Charge de Chevalier de l’Ordre des Étoiles, la Bénédiction Épée de Lumière d’Étoile, et l’Aptitude Connaissance des Démons. Son Cœur lui en attribuera deux autres pour différencier un peu les chevaliers.Je ne rentrerai pas dans les détails, mais ces aspects pourront servir tour à tour au Cœur du personnage et à son Égaré pour gagner un bonus lors de la résolution d’un conflit.
On terminera la création de personnage en attribuant des personnages secondaires et un antagoniste démoniaque aux Lunes et à l’Égaré dans la partie Cosmos de la feuille de personnage. Celle-ci est d’ailleurs très intéressante puisqu’elle sera placée au centre de la table et comporte des informations orientées vers chacun des joueurs. On aura donc des écrits dans des sens différents mais lisibles chacun par la bonne personne - Cœur, Égaré, Pleine Lune ou Nouvelle Lune.
Ainsi en est-il.
Une séance de Polaris consiste en une succession de scènes concernant chacune un des protagonistes. Les histoires des différents chevaliers ne se croisent pas nécessairement. Chaque scène est lancée par le Coeur ou l’Égaré concerné. L’un des deux joueurs commence ainsi par prononcer la phrase rituelle “Et c’est ainsi que”, puis il poursuit en décrivant brièvement la scène dans laquelle se trouve empêtré le protagoniste. Chaque scène compte, il est donc fortement conseillé d’entrer directement dans le vif du sujet : incroyables combats ,intérieurs comme extérieurs, dilemmes moraux très impactants pour le personnage, scènes d’une grande beauté et horreur…
Une fois la scène installée, elle est jouée. Dès lors, les joueurs interprètent le ou les rôles des personnages qui leur sont dévolus. Là encore, chaque déclaration doit avoir un effet sur le monde. Ainsi, dire “Je le tape”, ou “Je l’embrasse” ne seront sans doute pas des paroles suffisantes puisqu’elles ne vont pas modifier le monde. Par contre, “Je la repousse, envoyant valser son épée, et d’un mouvement rapide j’empale son cœur. Elle meurt.” sera une bien meilleure proposition car elle pourra générer du conflit, et le conflit est bon pour la narration. Nous reviendrons sur la mécanique de résolution de conflit un peu plus tard.
Lorsqu’une scène en arrive à sa conclusion naturelle - un terme vague, mais compréhensible, la plupart du temps tous le joueurs sauront que le moment est venu de conclure une scène -, le Coeur ou l’Égaré prononce alors la phrase “Il en fut ainsi”, et on peut se préparer à la prochaine scène qui concernera un autre protagoniste. Ainsi tous les joueurs seront tour à tour Cœur, Nouvelle Lune, Égaré et Pleine Lune. L’idéal est que chaque protagoniste ait au moins pu vivre une scène avant de clore la séance par la phrase Lorsqu’une scène en arrive à sa conclusion naturelle - un terme vague, mais compréhensible, la plupart du temps tous le joueurs sauront que le moment est venu de conclure une scène -, le Coeur ou l’Égaré prononce alors la phrase “Il en fut ainsi”, et on peut se préparer à la prochaine scène qui concernera un autre protagoniste. Ainsi tous les joueurs seront tour à tour Cœur, Nouvelle Lune, Égaré et Pleine Lune. L’idéal est que chaque protagoniste ait au moins pu vivre une scène avant de clore la séance par la phrase Mais tout ceci eut lieu il y a fort longtemps, et plus personne ne s’en souvient désormais.
Ainsi en est-il.
L’idée directrice du jeu est que la situation des chevaliers et du monde ne peut qu’empirer. Chaque personnage sera placé devant des choix moraux ou des menaces telles qu’un conflit éclatera forcément à un moment ou un autre. Ce conflit aura, on l’a lu en introduction de ce compte-rendu, une méthode de résolution basée sur la négociation. Chaque action proposée par le Cœur ou son Égaré devra avoir été acceptée par les deux joueurs pour arriver à sa conclusion. Pour cela, il leur faudra négocier, en gardant à l’esprit que chaque victoire qu’ils obtiendront aura un coût imposé par l’adversaire.
Lors de la narration, dès qu’une action paraît difficile à entreprendre, dès que les joueurs estiment qu’elle ne devrait pas arriver, ou qu’elle devrait imposer un prix à payer, un conflit devrait démarrer, initié par le Cœur ou l’Égaré. Tout conflit est une négociation entre ces deux joueurs à propos des événements de la scène. Cependant, cette négociation n’est pas complètement libre. Elle utilise comme cadre des phrases clés qui vont structurer la discussion. Pour mieux comprendre, il faut connaître les phrases clés de conflit, au nombre de six :
Pour pouvoir utiliser utiliser Et en outre, il faut utiliser un Thème approprié - les Lunes ont le dernier mot sur le Thème en tant que juges.
Si un conflit se termine par la phrase Il n’en sera rien, les juges calculent alors la valeur du défi que représente l’enchaînement d’actions décrites. Pour cela, ils regardent ensuite si un ou plusieurs thèmes ont été utilisés durant la négociation et qui a dépensé le dernier Thème. Si besoin et en fonction du type du dernier Thème utilisé, ils prennent la valeur de Glace ou de Lumière comme valeur du défi. Ensuite, si l’Égaré est en désavantage, les juges ajoutent à ce défi le Zèle du chevalier. Si c’est le Cœur qui est désavantagé, le juges retranchent au défi le score en Lassitude du chevalier. Il ressort de ces savants calculs une valeur de défi comprise entre 1 et 5 - ce qui signifie qu’un lancer pourra toujours être réussi ou échoué.À noter qu’un jet d’Expérience peut également être demandé par les Lunes si le Protagoniste actif fait preuve de sympathie pour un Démon, de haine envers le peuple, de cynisme, de doute ou de désespoir.
Le Cœur lance alors un dé à six faces. S’il obtient un résultat inférieur ou égal à la valeur du défi, le Chevalier a triomphé. Si son jet est supérieur à la valeur du défi, c’est le Démon qui l’emporte, et le Chevalier devra lancer un jet d’Expérience. Celui -ci consiste en un lancer de dé à six face. Si le résultat de ce jet de dé est inférieur ou égal à la valeur de Zèle ou de Lassitude du protagoniste, le jet est réussi. Dans ce cas, le Cœur ajoute 1 au score de Glace ou de Lumière du Chevalier, et diminue le Zèle de 1 point si le personnage est Novice, ou augmente le Zèle de 1 point s’il s’agit d’un Vétéran. Une valeur ne peut jamais dépasser 5. Si le jet est un échec, on rafraîchit les Thèmes utilisés au cours de la partie en effaçant leur coche sur la fiche de personnage.
Ainsi, des personnages débutants auront peu de chances de réussir à triompher, mais seront amenés à réussir souvent leurs jets d’Expérience, ce qui les rendra plus forts, mais diminuera leur Zèle et les rapprochera donc d’un statut de Vétéran, et donc de leur mort ou de leur chute. Le Cœur d’un Vétéran peut à tout moment d’un conflit utiliser la phrase Ainsi, des personnages débutants auront peu de chances de réussir à triompher, mais seront amenés à réussir souvent leurs jets d’Expérience, ce qui les rendra plus forts, mais diminuera leur Zèle et les rapprochera donc d’un statut de Vétéran, et donc de leur mort ou de leur chute. Le Cœur d’un Vétéran peut à tout moment d’un conflit utiliser la phrase Ainsi, des personnages débutants auront peu de chances de réussir à triompher, mais seront amenés à réussir souvent leurs jets d’Expérience, ce qui les rendra plus forts, mais diminuera leur Zèle et les rapprochera donc d’un statut de Vétéran, et donc de leur mort ou de leur chute. Le Cœur d’un Vétéran peut à tout moment d’un conflit utiliser la phrase Mais seulement si [Nom d’un Protagoniste, y compris le sien propre] meurt. Bien évidemment, l’Égaré ne peut jamais utiliser cette phrase.
Mais la mort, nous l’avons dit, n’est pas la pire des punitions pour les Chevaliers. Il arrive un moment où la valeur de Lassitude arrive à 5. Ceci signifie que ce Chevalier cède à son désespoir, à sa frustration, à sa douleur et se retourne contre le peuple qu’il avait juré de défendre. Il devient à son tour un Démon. Il ne pourra plus être joué en tant que Protagoniste, mais rien ne garantira pas qu’il ne reviendra pas comme Antagoniste lors d’une partie future…
Ainsi en est-il.
Je ne vais pas vous le cacher : je suis extrêmement enthousiaste après cette lecture. Et pourtant, le concept même du jeu sans meneur fixe avec uniquement de la négociation à perte pour résoudre les conflits n’est pas franchement dans mes standards de vieux rôliste ! Mais il résulte de l’ensemble du livre une impression de maîtrise parfaite. L’auteur peut clairement être fan de son bébé ! On comprend progressivement en lisant les règles que les mécaniques, peu nombreuses mais relativement peu exploitées en jeu de rôles, servent cette volonté de faire vivre aux joueurs une fin du monde inexorable et douloureuse.
Les héros seront constamment soumis au stress d’avoir à prendre des décisions lourdes de sens pour eux-mêmes, leurs proches et pour le monde dans son entier. La souffrance et les épreuves font de bonnes histoires. C’est ce que ce jeu nous vend. Du dilemme moral, et des interrogations sur le renoncement, sur la valeur d’un combat.
Les mécaniques sont originales, simples. Le style de l’écriture me plaît énormément, et, encore une fois, les choix de typographies, la mise en page et l’utilisation des exemples facilitent la compréhension des règles. On sait ce qu’on va jouer après la première lecture. En fait, je ne vois pas quoi ajouter tellement l’ensemble ne me paraît présenter aucun défaut, au regard du propos de l’auteur… Un kiff de lecture, pour moi !
C’est une constante, chez Ben Lehman, d’aller chercher des sujets aussi particuliers pour ses jeux. Dans “This game contains absolutely no triggering material”, par exemple, on y joue un homme, la fille de sa conjointe, et des membres de leur quartier, probablement aux États-Unis. L’homme est bien vu, parfaitement inséré dans sa communauté, et les gens prendront nécessairement fait et cause pour lui. Sa belle-fille par contre, sera dévaluée, déconsidérée, et des conflits éclateront en public entre le beau-père et la belle-fille. Et comme les autres personnages ne peuvent que soutenir le beau-père, on va, dans les faits, dépeindre la façade publique d’une relation abusive. Et, évidemment, il n’y aura jamais de scène où l’adolescente pourra échapper à la présence de son beau-père et de son influence sur le groupe… Glauque non ? De quoi se poser la question de sa propre réaction devant des situations similaires, non ?
Mais tout ceci eut lieu il y a fort longtemps, et plus personne ne s’en souvient désormais.